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« Guillaume Mathivet s’appuie sur les possibilités artistiques de la peinture en bombe aérosol qu’il connaît avec le street art. Les œuvres qu’il compose et produit en atelier exploitent autant les effets de vaporisations que de pochoirs qui signent naturellement leur usage. Ses tableaux ont en d’abord été étudiés et esquissés sur des feuilles conservées dans un registre. Aux deux bouts de cette chaine, qu’elles soient seules ou qu’elles intègrent un polyptique, les œuvres réalisées en atelier se présentent comme des configurations abstraites mêlées d’écritures et de graphismes dont les tracés déliés évoluent sans adresse. Colorées avec modération, les formes se répondent en s’activant esthétiquement, suscitant en écho des décrochages souvent métaphoriques « Je voudrais faire oublier qu’on parle de graffiti » dit-il à ce propos. Que ce soit à travers son aspect et son support mural ou toilé, son mode d’exposition prévu, le statut du travail suffit pour qu’on conçoive que l’artiste conserve en mémoire certaines beautés aussi opportunes que ses rencontres murales urbaines « (Je peins) dans une idée de paysage…» se souvient-il dans un lapsus sensible. »

Alain Bouaziz, juillet 2016, Propos sur la peinture potentiellement polémique, Aponia, Centre d’arts contemporain de Villiers sur Marne 2016.

 

 

On trouve dans Rose Selavy de Marcel Duchamp cette phrase qui vaut pour tout programme: Lit et rature. A double titre elle nous éclaire sur la démarche de Guillaume Mathivet. Comme bien souvent, il faut revenir aux prémices de ses désirs d’être et d’être artiste. La rue. Que fut son premier tag peint ou plutôt le premier qu’il dépeint? Non pas celui qu’il fit en imitation par signe d’appartenance à son époque, mais celui qui s’imposa, comme malgré lui, ouvrant la voie à ce qui se dessine déjà comme une œuvre.

Ce signe comme une rature était, au rouleau, un effacement d’un tag laissé par un autre. Une dé-peinture. Guillaume Mathivet est un des premiers artistes qui dépasse le street art, sur le terrain même ou il se tient. A ceux qui verraient dans son action quelque chose tenant du répressif par l’effacement je leur conseillerais de se rappeler l’incessant mouvement dialectique de l’histoire des formes. J’oserais même affirmer que son appropriation d’un signe social et parfois contestataire par un geste porté par l’intuition va augurer les ouvres peintes à venir.

Que nous montrent-elles ces œuvres faites pour le mur blanc? Il faut que l’œil soit curieux et gourmet, pour percevoir l’enchevêtrement des plans comme le récit d’un espace neuf et les traces laissées à la bombe comme une nostalgie de la rue. Tout y semble syncope. Juxtaposition de notes visuelles arrachées au monde, il s’en dégage la mesure d’un silence, ou le défaire est une ascèse et le dé-peindre un engagement contre la contamination des images, et cela ravive ce que l’époque semble avoir oublié: le pur espace de l’art. Voila ce que nous rappelle les ouvres de guillaume Mathivet.

Alin Avila, catalogue du 17e salon des arts plastiques de Pierrefitte. 2018.

 

 

Guillaume Mathivet arpente les rues, attentif au dialogue perpétuel de repassage permanent des peintures de la rue. Il prélève en archéologue contemporain une collection de codes picturaux du graffiti qui constitue son vocabulaire. Il rejoue sur ses toiles les collisions d’images, de surfaces peintes, repeintes ou effacées. Pioche sur ses carnets dans le grand mille feuilles d’images des murs. Il travaille sur différents supports, toiles ou bâches industrielles. Il joue avec la superposition des couches et les recouvrements à la manière des artistes successifs qui composent dans une collaboration anonyme les œuvres de la rue. Dans son processus de travail, Guillaume Mathivet, recrée les conditions d’une peinture du dehors avec ses différences météorologiques. Ainsi il mouille certaines toiles avant de vaporiser dessus sa peinture aérosol. Il efface les motifs qu’il peints à la manière des entreprises de nettoyage des rues laissant sur la toile, la trace fluorescente d’un fantôme joufflu, il réinterprète les harmonies colorées aux écarts aléatoires des murs de la ville. Les collisions colorées de l’atelier, les relations qui s’y créent entre les matériaux n’échappent pas à l’observation permanente du peintre et entrent aussi dans ce jeu de composition. Il tend sur des châssis les chiffons imbibés de peinture et de solvants qui ont servi à effacer les toiles, les associe à d’autre toiles comme une sorte de code couleur de ses peintures, nous laissant un morceau de la palette de cette complexe cuisine.
Romain Trinquand, Surface Monstre, Pontault Combault 2014.

 

 

Le Street art ou art de la rue est né de la volonté d’exprimer une liberté d’expression qui transmet des messages en général caractérisés par une immédiateté de l’acte créateur. Souvent opposés et parfois assimilées à des actes de vandalisme, ne sont pas rares cas où les autorités locales par son effacement, ont accomplies des réalisations elles même d’un grand intérêt.
Animé par un fort esprit ironique, Guillaume Mathivet fait des graffitis avec de la peinture grise de façon à reprendre comment les graffitis ont été effacés à l’initiative publique, initiatives de la ville. Le thème de son travail s’inscrit dans ce sens, le graffiti est recouvert par un élément (badigeon) géométrique gris qui est devenu un élément récurrent dans son œuvre. Dans une affirmation de la liberté par rapport aux barrières de la censure, vient entrer dans son travail l’utilisation de grilles et grillages, décliné en éléments plastiques apposés sur la toile, ou en tant que filtres qui se chevauchent et permettent une exploitation voilée. La coercition et de dénoncer le rappel de manifestations artistiques non-institutionnelles. L’attention de l’artiste est de plus en plus orientée vers les travaux sur la préservation de la mémoire historique qui est mis en œuvre selon deux principes : Dans des transferts de phase créative sur la toile ce qui est destiné à disparaître des murs, chassé par des badigeons négligeant le travail accompli. Et sa détérioration partielle, interdisant aux graffitis d’être des acteurs et témoins du passage du temps.
La prise de conscience de la dégradation inévitable des choses l’a conduit à supprimer une partie de la couleur, et couleurs après couleurs, après un premier projet, la recherche d’un équilibre entre une coloration emprunté au paysage urbain et le monde en constante évolution autour de lui.

Danilo Jon Scotta (Trace contemporanee, San Vito Al Tagliamento, Italie, Juin 2012.)

 

 

Guillaume Mathivet oscille entre références classiques à l’histoire de l’art, à la littérature et une pratique plastique directement issue de codes urbains contemporains propres au Street art.
Il évoque une attitude contemporaine qui tend à développer des techniques d’effacement pour faire table rase des graffitis qui investissent l’espace urbain. En laissant partiellement apparaître des graffitis après qu’il les ait recouverts au moyen d’aplats colorés, Guillaume Mathivet crée des tensions révélatrices d’une dualité constante qui, comme il le signifie, symptomatise un phénomène de réaction souvent plus visible que l’action même de graffer.
L’œuvre de Guillaume Mathivet se détermine sur ce terrain de contrastes. Les couches de peinture effacent le graffiti encore suggéré en quelques points de la toile. Guillaume procède d’un double geste de création/destruction qui participe systématiquement à l’élaboration de l’œuvre et subsiste jusque dans l’achèvement du tableau.

Stéphanie Dauget (Galerie Eponyme, VIII, 266-366, Juin 2008.)